Communiqués de presse sur la vie et l’œuvre d’Ignaz P.V. Troxler

Qui était I.P.V. Troxler?

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La Révolution française a accompagné sa jeunesse et ses études en médecine et en philosophie l’ont conduit à Iéna, entre autres chez Schelling et Hegel. Il a reçu sa formation pratique comme médecin à Vienne. De retour en Suisse, il a estimé que servir le développement politique et social de sa patrie serait un objectif important dans sa vie, et il a tenu parole, dans de nombreux domaines. En tant que médecin, il a travaillé avec succès sur la base d’une approche holistique de l’être humain, dénonçant le retard du système sanitaire et préconisant une formation uniforme et l’octroi d’une autorisation de pratiquer la médecine valable pour tout le pays. En tant que philosophe suisse le plus important de son temps, il a développé très tôt une philosophie transcendantale basée sur l’anthropologie englobant les systèmes de son temps. Comme pédagogue – d’abord au lycée de Lucerne et au Lehrverein Aarau, puis comme professeur de philosophie aux Universités de Bâle et de Berne – Troxler s’est fixé comme objectif principal d’offrir une formation fondée sur l’individu pris dans son essence et sa globalité. Dans le domaine de la philosophie du droit, les idéaux démocratiques radicaux de Troxler font de lui un penseur pionnier de l’idée de nation et un promoteur d’une forme démocratique de gouvernement, sur laquelle la Constitution fédérale de 1848 fut fondée. La vie de Troxler reflète de manière exemplaire l’histoire des origines de la Confédération actuelle, de l’Ancien Régime à la fondation de l’Etat fédéral, avec ses institutions politiques toujours en vigueur aujourd’hui, en passant par l’Helvétique, la Médiation, la Restauration et la Régénération (d’après la biographie Troxler récemment publiée par Max Widmer/Franz Lohri, Futurum-Verlag 2016).

Troxler – une vision politique pour la Suisse

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Ignaz Paul Vital Troxler (1780-1866) fu l’une des figures marquantes de la vie culturelle et politique suisse entre le 18e et le 19e siècle. Son chemin passa par Iéna et Vienne. Il a mené de nombreuses activités et apporté une touche cosmopolite à la Suisse par ses expériences à l’étranger. Troxler fut médecin praticien, mais aussi professeur de philosophie pendant de nombreuses années, ami de Beethoven et élève de Schelling. Il fut membre du Grand Conseil du canton d’Argovie et l’une des figures majeures du mouvement libéral-radical, le terme «radical» ayant été imaginé par lui. Troxler a conçu une nouvelle vision de l’être humain, dans l’esprit de l’idéalisme allemand ; il s’est battu pour l’amélioration de l’éducation et des politiques sanitaires, et a développé une vision inédite d’un Etat fédéral suisse, à partir de la Constitution des Etats-Unis d’Amérique, qui a eu une grande influence sur l’émergence de la Suisse moderne et démocratique. (Biographie de Troxler, Maison d’édition Futurum 2016)

Troxler et la Suisse

“La liberté de ma patrie fut mon premier amour”

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Le 6 mars 2016 marquait le 150e anniversaire de la mort du médecin, philosophe, pédagogue et homme politique suisse Ignaz Paul Vital Troxler, figure importante à la charnière entre le 18e et le 19e siècle. C’est sur sa pensée visionnaire et son action courageuse et cohérente que l'”architecture politique” de la Suisse moderne, avec sa constitution en Etat fédéral en 1848, repose grandement. Seuls quelques Suisses connaissent Troxler. Le fait que la forme suisse de gouvernement de démocratie directe et de fédéralisme, que nous tenons pour acquis, s’inspire des théories philosophique et politique de Troxler est aujourd’hui largement oublié. Qu’est-ce qui justifie la renaissance spirituelle de cette personnalité oubliée, à part une réflexion sur les faits historiques relatifs à l’émergence et au développement de la Suisse moderne ? C’est la prise de conscience que Troxler a beaucoup à nous dire aujourd’hui. Son message philosophique, pédagogique et politique reste d’actualité face aux défis de politique intérieure et extérieure qui polarisent et menacent aujourd’hui notre système de concordance et notre cohésion nationale. «La politique est la science et l’art de l’éthique transposés à la société» ” fut l’un des messages fondamentaux de Troxler. Le message puissant du philosophe politique si clairvoyant que fut Troxler, attaché à la nature spirituelle de la Suisse, est d’une grande importance à l’heure où l’on constate un égoïsme individuel et collectif grandissant autant qu’un sens de l’éthique de plus en plus déficient. L’année commémorative Troxler s’avère donc une occasion idéale pour lancer une réflexion fondamentale sur les valeurs sociétales et politiques de la Suisse.

«Nombreux sont ceux qui ont contribué à la réalisation de notre l’État libre et démocratique en 1830 et 1848. Mais il n’est pas facile de trouver un autre que Troxler qui aurait su saisir et exprimer les idées qui prévalaient ici avec une telle clarté d’esprit et qui était prêt à accepter la prison, le mépris, la persécution, la calomnie, les menaces de mort et la perte de ses conditions existence. Il fut comme un phare capable d’ indiquer le bon chemin à travers les turbulences du temps.»

Max Widmer dans sa biographie de Troxler, 1980

Troxler, un grand philosophe suisse

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Ignaz Paul Vital Troxler compte parmi les penseurs philosophiques les plus importants que la Suisse ait connus. Il a laissé derrière lui une œuvre vaste et toujours stimulante. Entre 1800 et 1803, il a étudié à Iéna avec Friedrich Wilhelm Joseph Schelling et Georg Wilhelm Friedrich Hegel. Il s’est fait très tôt un nom dans la recherche médicale et a développé sa propre anthropologie dans le contexte de l’idéalisme de l’absolu et d’une philosophie transcendantale du sujet. Des phénomènes tels que la santé et la maladie, le réveil et le sommeil, la théologie mystique et le handicap mental s’insèrent dans le spectre dans lequel Troxler a cherché à étudier l’être humain au-delà du simple «animal rationnel». C’est sur cette base qu’il s’est engagé en faveur de la démocratie et d’un Etat fédéral pour la Suisse. Du 3 au 5 mars 2016 ont eu lieu à l’Université de Bâle un colloque consacré à ses premiers travaux portant sur la philosophie de la nature et la théorie médicale, à ses principaux travaux philosophiques ainsi qu’à sa philosophie de la nature et sa philosophie politique. Elle avaient pour but de soumettre son travail à un débat portant sur l’histoire de la connaissance, sur la philosophie de l’école de Schelling et sur l’anthropologie romantique, ainsi que sur les racines spirituelles de la démocratie suisse.

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A propos de la philosophie de Troxler

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«Les écrits philosophiques de Troxler sont fascinants en raison de leurs concepts très différenciés et de leur mise en forme très vivante. Dans ses distinctions les plus subtiles, Troxler ne se contente toutefois jamais d’une analyse distanciée et compartimentée ; pour lui, les différentes parties sont toujours les membres d’un tout. Ainsi, l’exposé de Troxler s’assimile à des tableaux extrêmement vivants emplis de motifs opposés et entrelacés dans leurs relations réciproques, marqués et rehaussés par une écriture éloignée de toute architecture abstraite, puisant plutôt dans l’effervescence d’un esprit enthousiaste, porté par une force puissante.» (Gerhard Heid)

La façon de philosopher de Troxler

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En 1853, Troxler, ancien professeur de philosophie à l’Université de Berne, faisait ses adieux à ses auditeurs en ces termes : “Ainsi, chers auditeurs, je vous dis adieu – voilà le dernier cours de ma carrière académique de dix-neuf ans à l’Université de Berne – et je voudrais vous recommander en particulier de préserver fidèlement le sens philosophique , impartial et indépendant des écoles philosophiques, que j’ai sans cesse essayé de vous transmettre. Si je peux attribuer une valeur à ma philosophie, ou plutôt à ma façon de philosopher, c’est cette impartialité, cette liberté et cette indépendance d’esprit, ainsi que les résultats des recherches» qui en découlent”. Ces quelques mots du professeur d’Université, alors âgé de 73 ans, nous renseignent sur le caractère et le sens de sa “philosophie”. Troxler lui-même corrige le terme et le remplace, à peine prononcé, par l’expression “ma façon de philosopher”. Ce détail apparent a son sens : elle souligne le fait que Troxler n’a jamais eu l’intention d’ajouter un autre système aux nombreux systèmes philosophiques existants. Il porte plutôt son attention sur l’activité même de la connaissance.

Troxler professeur de philosophie du droit

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Les idées sur le droit et l’Etat développées dans la philosophie du droit (1820) du savant lucernois qu’est Ignaz Paul Vital Troxler (1780-1866) s’inspirent de l’idéalisme post-kantien, dans lequel la théorie de la polarité de Schelling et son unité organique exercent une influence marquante. Dans cette tradition, Troxler a largement ignoré la vision de l’État de droit proposée par le rationalisme kantien et le libéralisme, argumentant plutôt par le biais d’une conception mystique de la communauté. Sa doctrine juridique se caractérise néanmoins par une forte dimension libérale, qui n’acquiert pas une signification fondamentale comme vision du monde au sens de la doctrine rationnelle du droit naturel, mais comme modèle pour l’exercice du pouvoir. Par son engagement inlassable en faveur de la démocratie, de la tolérance, de la séparation des pouvoirs, de la transparence, de la liberté de croyance, d’opinion et de la presse, ainsi que pour le système

(Marc Winiger, Dissertation über Troxlers Rechtslehre, 2011)

Troxler sur l’éducation et la formation

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En tant que médecin et pédagogue, mais aussi en tant que père, Troxler a eu de nombreuses occasions de suivre le développement de l’enfant et de l’adolescent. Grâce à sa puissance intellectuelle exceptionnelle, il a pu acquérir des connaissances essentielles dans ce domaine si important. Il s’est concentré sur l’adolescence, une période correspondant à son activité professionnelle. … D’abord, il voit l’enfant dans sa perfection originelle. Il est intimement lié à Dieu et au monde ; il ne connaît pas la séparation entre un moi et un non-moi. Ses forces mentales comme la raison et la volonté forment encore une unité. “De même que le monde extérieur est encore entièrement relié à lui, de même tout ce qui s’y trouve est pour lui non séparé et non comparé. Vision, ouïe et toucher ne font qu’un pour lui, de même que le fonctionnement de l’âme et du corps”. Dans un fragment, Troxler écrit : “Si tu veux connaître les enfants, observe-les sans qu’ils s’en aperçoivent, en compagnie d’autres…” ou dans un autre : “Le jeu est un acte qui ne veut que lui-même, le travail a un but particulier, la pratique concilie les deux”.

Allgemein gilt für Troxler: «Die grosse Kunst des Unterrichtes ist, dass der Zögling das, was er lernt, aus sich selbst produziere.» «Der Mensch muss zum Selbstdenken und Selbstwollen gebracht werden, dies ist der lebendige Grund, auf den die Saat göttlicher Lehre abfallen soll». – In diesem Sinne sieht er das Plus généralement, pour Troxler, «le grand art de l’enseignement est que l’élève produise par lui-même ce qu’il apprend». «L’homme doit être amené à penser et à vouloir lui-même. C’est sur ce fondement vivant que la semence de l’enseignement divin doit tomber.» En ce sens, il voit l’adolescence comme une période où le jeune est particulièrement réceptif et disponible. «L’adolescence est donc… la transformation spirituelle et morale de l’homme, qui mérite le nom de renaissance …» et «seul l’adolescent unit en lui la plus grande réceptivité à l’éducation avec le plus grand pouvoir de développement personnel…grand pouvoir de développement personnel …» C’est ce qu’écrit Troxler dans la 7ème annonce du Lehrverein Aarau (d’après Andreas Dollfus).

Troxler et l’Argovie

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De par sa vie et son œuvre, Troxler a un lien particulier avec l’Argovie et sa capitale. Avec son ami Heinrich Zschokke (1771-1848), philosophe et écrivain populaire, il dirigea un collège unique en Suisse. D’ici, en tant que médecin, il a soigné Pestalozzi mourant. Dans sa résidence d’Aarau, il écrivit ses œuvres philosophiques les plus importantes, qui le rendirent célèbre dans le monde entier. De 1832 à 1834, il siégea au Grand Conseil argovien et esquissa en même temps un projet de Constitution fédérale ; en 1848, en tant que professeur de philosophie à l’Université de Berne, il donna une impulsion décisive à la création d’un système bicaméral, avec un Conseil national et un Conseil des Etats. Après sa retraite, Troxler vécut à l’Aarmatt jusqu’à sa mort, entre la Villa Blumenhalde de Zschokke et la petite ville d’Aarau. Le “Troxlerweg” y fait encore référence aujourd’hui. En souvenir de ce savant universel, un vaste programme de manifestations avait été prévu pour 2016. En raison des liens étroits qui unissent Troxler à l’Argovie, les célébrations du 150e anniversaire de sa mort, le 6 mars, se concentrèrent principalement sur Aarau. L’événement a débuté par une campagne d’affichage conçue par le Forum Schlossplatz en collaboration avec l’association Troxler-Gedenkjahr 2016.

« La liberté de la patrie fut mon premier amour.»

Informations générales sur Troxler et son année commémorative 2016

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Rarement l’importance d’une personnalité historique et son niveau de popularité sont aussi éloignés que dans le cas du médecin, anthropologue, philosophe, professeur de droit, pédagogue et homme politique suisse Ignaz Paul Vital Troxler, dont le 150e anniversaire de sa mort a été célébré en 2016. Des ouvrages pointus l’ont immortalisé comme un grand Suisse, comme un philosophe suisse de premier rang ; au moins douze thèses, dont trois ces cinq dernières années, traitent de sa pensée et de ses idées dans divers domaines de la vie ; une biographie de onze cents pages très détaillée retrace les étapes de sa vie, et ses écrits politiques sont présentés et commentés sur plus de douze cents pages. Une équipe de chercheurs de l’Université de Bâle travaille actuellement à une nouvelle édition critique de ses travaux philosophiques et médicaux.

Malgré la reconnaissance scientifique qui l’entoure, I.P.V.Troxler est resté largement inconnu du public suisse. C’est incompréhensible, compte tenu de la polyvalence et de l’importance exceptionnelle de ce Suisse qui a consacré toute sa vie au développement d’un État démocratique dans un patriotisme assumé et vécu.

A peine âgé de 18 ans, toujours soucieux d’indépendance et de cohérence tout en promouvant une véritable humanité, il est nommé secrétaire du Préfet national de son canton d’origine, qu’il accompagne aux séances du Directoire helvétique.

Après des études de philosophie, de sciences naturelles et de médecine à Iéna, il a obtenu son doctorat à l’âge de 23 ans et a ensuite publié plusieurs articles scientifiques encore cités dans la littérature ophtalmologique d’aujourd’hui. Il est le premier Suisse à publier dans cette discipline. Entre 25 et 29 ans, il a écrit cinq traités scientifiques consacrés à la vie, en particulier celle de l’être humain, et qui anticipaient sur ses œuvres de maturité, les plus importantes.

De retour dans son pays natal, à l’âge de 30 ans, il a refusé une nomination à la Faculté de médecine de l’Université de Berlin parce qu’il était convaincu qu’il devait servir sa patrie d’une façon plus large. A l’âge de 31 ans, il présenta, dans son ouvrage d’anthropologie «Blicke in das Wesen des Menschen», une étude sur l’essence de l’homme, au-delà du sensible et du terrestre, que Goethe a été amené à commenter.

A l’âge de 35 ans, il se rendit avec sa famille à Vienne en tant que simple citoyen pour faire entendre sa voix en faveur d’une Suisse démocratique et indépendante au Congrès de Vienne. Il y présenta deux mémoires au comité chargé des affaires suisses, opposés à la Suisse réactionnaire voulue par la délégation suisse officielle.

Après sa nomination comme professeur au gymnase de Lucerne, il écrivit, bien que non juriste, une Philosophie du droit qui intéresse encore aujourd’hui les milieux spécialisés, après avoir publié trois essais importants sur le droit constitutionnel dans une revue qu’il a cofondée, sur l’essence de la représentation populaire, la liberté de la presse et les concepts fondamentaux du système représentatif.

En tant que spécialiste de la politique de l’éducation, il n’était guère inférieur à Johann Heinrich Pestalozzi ; les traités et articles de Troxler relatifs à la pédagogie et à l’art de l’éducation, ainsi que ses positions sur la politique éducative, sont toujours considérés comme faisant autorité.

La proposition de Troxler portant sur un système bicaméral pour le Parlement fédéral, présentée dans un mémoire adressé à la commission en charge du dossier sur le modèle constitutionnel nord-américain, a donné une impulsion décisive à la constitution de la Suisse comme Etat fédéral et a garanti sa stabilité et son autonomie politiques dans les temps troublés de la première moitiés du 20ème siècle.

Les mérites de Troxler en faveur d’une Suisse moderne, démocratique et fédéraliste reposent avant tout sur sa lutte politique, après la chute de Napoléon et le retour des tendances réactionnaires en Europe, en faveur des droits du peuple niés par le Pacte fédéral de 1815. Il combattit exclusivement par la parole et l’écrit, selon ses propres termes «avec les armes de la lumière», mû par des motifs éthiques portés par une pensée claire et une action responsable. Le fait que Troxler a su adapter sa stratégie aux exigences du temps et à la situation en vigueur est démontré par ses interventions politiques à l’époque du Sonderbund, où il s’était transformé, d’un combattant agressif à la langue acérée, en un défenseur de la concordance, médiateur entre conservateurs et libéraux, catholiques et protestants, villes et campagnes. Dorénavant, ses déclarations prônèrent la compréhension et la modération, le dépassement des points de vue dogmatiques unilatéraux, si bien que celui qui était autrefois considéré comme l’incarnation du radical a été abandonné et critiqué par beaucoup de ses anciens disciples et amis.

Professeur de philosophie aux Universités de Bâle et de Berne, il a été l’un des principaux penseurs politiques de la nation et a été célébré de son vivant comme une personnalité importante, mais fut aussi une personnalité controversée. Il tomba dans l’oubli à peine son action avait-elle été couronnée par la création du système qui régit la Suisse moderne. Le système bicaméral qu’il avait proposé et l’Etat fédéral comme compromis entre l’idée de confédération et d’Etat unitaire avaient trouvé leur réalisation. A été oubliée l’œuvre la plus importante de sa vie en matière politique, qui consistait à travailler sans relâche et de manière désintéressée aux présupposés politiques et sociales déterminants pour l’orientation démocratique et intellectuelle de la Suisse moderne.

L’année commémorative du 150ème anniversaire de la mort de Troyler a offert l’occasion de sortir de l’oubli ce Suisse si important. Un groupe de travail s’est mis au travail dès 2014 pour préparer cette année commémorative en fournissant les éléments de base et l’information nécessaires pour que cette célébration ait l’impact souhaité. (Franz Lohri)

Troxler et le système bicaméral de l’Assemblée fédérale

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Après plusieurs années de silence, Troxler publia une brochure avant le Jour de l’An de 1848: La Constitution des États d’Amérique du Nord comme modèle pour la réforme fédérale suisse Comme il l’avait fait 27 ans auparavant avec le Fürst und Volk (Prince et peuple), il voulait «intervenir au milieu de la politique actuelle». Mais cette fois, ce n’est pas une attaque. C’est un appel à la paix, le conseil du grand sage dont le cœur saigne face au danger mortel auquel son pays et son peuple sont exposés. Et cette fois-ci, sa parole ne tourne pas autour d’une discussion intellectuelle et abstraite sur les principes de base de la vie sociale, mais d’une question concrète sur la vie et la destinée de son peuple. La Confédération suisse se trouve à la croisée des chemins.

Depuis le 17 février 1848 est réunie la Commission constituante, qui avait pour tâche de créer une nouvelle constitution pour la Suisse afin de mettre fin aux luttes et aux crises qui duraient depuis 50 ans. La responsabilité était lourde pour les députés, car un nouvel échec de la révision des institutions fédérales aurait conduit à la catastrophe.

Les travaux avaient déjà bien avancé lorsque la question centrale du rôle des cantons au sein de l’ensemble confédéral fut posée. Les anciennes contradictions se réveillèrent : soit une indépendance illimitée des cantons aux dépens d’un Etat fédéral efficace, soit un Etat unitaire dans lequel les cantons n’auraient plus de fonction propre. Se faisaient face des représentants acharnés des deux options. Entre les deux camps se trouvait un groupe important qui voulait un État unifié tout en maintenant les 22 cantons. C’est à ce moment qu’allait se décider le succès ou l’échec de la réforme. L’idée redoutée que rien ne pourrait être réalisé était suspendue comme un sombre nuage au-dessus de la salle. Le représentant de Schwyz prit son courage à deux mains et, dans la soirée du 21 mars, après une discussion animée, se rendit chez Troxler. Il s’agissait de Melchior Diethelm, qui avait été l’élève de Troxler à Lucerne 28 ans auparavant. Troxler lui remit sa brochure sur la Constitution des Etats-Unis et lui demanda de la présenter à la Commission pour en discuter, car elle contenait la solution parfaite à cette question existentielle pour l’avenir de la Confédération.

Diethelm était le représentant d’un canton qui avait fait partie du „Sonderbund“ et, en tant que tel, il avait peu d’espoir de se faire entendre par les radicaux. L’initiative devait venir d’un représentant neutre. Sur le conseil de Troxler, il se rendit avec la brochure chez Joseph Munzinger, de Soleure. Sa première réaction fut typique. D’un geste réprobateur, il dit : “Beaucoup trop doctrinaire“, exprimant ainsi un préjugé que beaucoup avaient contre Troxler. Diethelm, cependant, ne lâcha pas prise et suggéra à Munzinger au moins de la lire. Munzinger le fit et a promit ensuite de faire tout ce qui serait en son pouvoir non seulement pour porter la question à l’attention de la Commission, mais aussi pour la faire adopter. Lors d’un discours enthousiaste, comme on en avait rarement entendu de sa bouche, Munzinger présenta le lendemain l’idée du système à deux chambres avec ses conséquences et ses avantages concrets. Après une brève discussion, la question fut tranchée, de sorte que même Munzinger et tous ses collègues se trouvèrent comme face à un miracle. Le lendemain, quelques sceptiques prirent la parole et affirmèrent que ce qui avait été décidé la veille n’avait pas été suffisamment discuté au cours du débat et que la solution proposée était „tombée du ciel“. Munzinger s’exclama, joyeusement ému : «Cette décision est certainement tombée du ciel, car c’était le jour de Nicolas de Flüe (22 mars).»

Après 1848, le mérite du système bicaméral fut attribué à plusieurs personnes: James Fazy, de Genève, Henri Druey, du canton de Vaud, et le conseiller fédéral Munzinger, de Soleure. Le philosophe Charles Secrétan a mis les choses au clair dans son article biographique consacréconsacré à Troxler et publié en 1880. Les trois personnages mentionnés ont leur part dans le travail, mais les deux Romands ne sont venus que plus tard pour approuver le système à deux chambres. Le véritable auteur et promoteur de cette idée fut Troxler.

En ces jours de mars 1848, la Commission constitutionnelle pouvait accepter ou rejeter sa parole. Il n’était pas présent à la séance. Sa personne est restée à l’arrière-plan. Son idée pouvait donc exercer son pouvoir d’autant plus librement.

(extrait de la biographie de Troxler rédigée par Max Widmer)

Troxler – philosophe d’État et pionnier de l’idée d’un l’Etat fédéral

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Le philosophe et pionnier de l’Etat fédéral Ignaz Paul Vital Troxler (1780-1866) incarne dans sa personnalité le grand combat en faveur de la démocratie moderne et de son développement. Sa vie et ses luttes donnent une image impressionnante des durs conflits qui ont marqué cette période si importante pour l’histoire de l’Etat fédéral. Des faits et des événements jusqu’alors inconnus jettent un nouvel éclairage sur les crises politiques de la première moitié du XIXe siècle.

«Il est inhabituellement difficile de classer Troxler dans les catégories politiques et intellectuelles usuelles… Puisque Troxler, aussi universel qu’il l’fût, a été très actif dans de nombreux domaines – psychomédical, politico-national, philosophique et politique, dans les domaines de la religion et de la théologie, de la métaphysique, de la logique et de l’éthique – la confusion et l’incertitude qui régnaient dans l’appréhension et l’appréciation de ses travaux ne pouvaient être que grande. Où était sa place ? Comment devait-il être qualifié ? Les libéraux ne pouvaient pas le compter parmi eux, bien qu’il considérât la liberté, religieuse et politique, comme le but véritable de l’histoire humaine. Pour les conservateurs et les légitimistes qui se sont accrochés à l’idée de la restauration, il était suspect, car il était démocrate et n’était pas enclin à laisser s’atrophier les droits du peuple, bien que Troxler comprît l’État fédéral en train de naître, selon son traditionalisme ancré dans le droit naturel, comme une continuation et un renouvellement de la vieille Confédération politique et religieuse… L’oeuvre de Troxler a injustement disparu. La philosophie d’aujourd’hui, qui aspire à une anthropologie philosophique, reconnaîtra en lui un précurseur qui n’a pas livré tous ses secrets.»

Hans Barth, dans le Neue Zürcher Zeitung.

Hans Barth (1904-1965) était un fils de l’historien et philologue classique Hans Barth. Après des études de droit qu’il a complétées par un doctorat en 1928, il a travaillé de 1929 à 1949 comme chef de la rubrique culturelle de la Neue Zürcher Zeitung, où il a travaillé à partir de 1924. En 1946, Barth fut nommé professeur de philosophie, de sciences politiques et d’éthique à l’Université de Zurich, dont il fut recteur en 1963 et 1964, bien qu’il ne possédât ni doctorat ni habilitation en philosophie.

Ignaz Vital Troxler en tant qu’homme politique – un point de vue actuel

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Christine Egerszegi-Obrist, ancienne Conseillère des Etats, lors de la conférence de presse 2.3.2016

L’influence de l’homme politique Ignaz Vital Troxler est aujourd’hui encore évidente. Il prôna avec véhémence un système à deux chambres basé sur le modèle nord-américain et devint ainsi «l’inventeur» du Conseil des Etats. Au Conseil national, les cantons urbains dominent les débats, car le nombre de sièges y est déterminé en fonction de la population, puis ceux-ci sont distribués selon la force des différents partis. Ainsi, le canton de Zurich dispose de 35 sièges dans la grande chambre et les petits, comme Uri et Glaris, d’un seul siège chacun. Comme chaque canton n’a que deux représentants au Conseil des Etats, les petits cantons y ont plus de poids. Cela a un impact majeur sur les débats. Prenons l’exemple de la révision de la loi sur la poste. Le Conseil national avait décidé de libéraliser le marché postal. Ses principaux arguments se fondaient sur la baisse des prix qu’engendreraient une concurrence accrue et une offre plus différenciée assurée par des acteurs privés, même le week-end. Le Conseil des Etats, qui ne possède pas de groupes parlementaires, s’est, lui, beaucoup plus préoccupé des besoins plus «terre à terre». Ici, les représentants des cantons de montagne se sont battus pour que leur population reçoive le journal au moins une fois par jour. Ce type de service, dans les vallées les plus reculées de notre pays, ne peuvent être fournis sans le soutien de l’État, et un service public fiable est nécessaire. Le Conseil des Etats a fixé des limites étroites à la privatisation. Le système bicaméral, avec le Conseil national représentant le peuple et les partis politiques et le Conseil des Etats représentant les cantons, est la clé de l’équilibre dans un pays aux cultures différentes. Voilà la garantie de l’existence des cantons et de l’égalité entre eux. Pour Troxler, la co-implication des minorités était une préoccupation majeure.

L’idée que Troxler se faisait de l’État fédéral suisse était un compromis entre un État central unifié et une confédération d’États peu structurée. L’État fédéral doit être responsable de la législation principale, mais la mise en œuvre restait du ressort des cantons. Dans les différentes régions de notre république fédérale, la religion, la culture, la langue et les modes de vie doivent pouvoir être librement vécus. Cela signifie la diversité dans l’unité et cette idée a encore son plein effet aujourd’hui dans l’éducation, la politique sanitaire, les impôts et la sécurité, et rend justice aux quatre cultures de notre pays. A première vue, dans un monde dit «globalisé», cela peut paraître compliqué, car il existe encore 26 lois cantonales dans ces domaines. Mais ce principe a aidé tous les cantons à façonner leur culture politique et à l’approfondir eux-mêmes. Même si nous constatons aujourd’hui que la tendance à davantage d’harmonisation s’accentue de plus en plus, car la mobilité des personnes est beaucoup plus grande qu’elle ne l’était auparavant, il est et continue d être une contribution importante à la coexistence pacifique au sein la Confédération suisse, si diverse. Cette marge de manœuvre dans l’application du droit fédéral est encore activement utilisée aujourd’hui ; il suffit de penser à la structure de l’impôt sur le revenu et sur la fortune, par exemple. Le principe de subsidiarité, qui prescrit que ne doit être délégué vers le haut que ce qui peut réellement être mieux effectué par le niveau supérieur, reste un principe politique réel.

La relation entre le droit et le pouvoir dans l’État revêtait une importance particulière pour Troxler. Ils doivent restés unis. Et il a raison : Le pouvoir sans la justice est arbitraire et mène à la dictature. La loi sans le pouvoir est faible, elle ne peut pas s’affirmer. Dans un État de droit, cette relation doit être équilibrée. Cela a été confirmé lors de la dernière votation. Le peuple est souverain. Il avait le pouvoir de passer outre le droit constitutionnel existant. Cependant, la grande majorité n’était pas prête à accepter une révision de la Constitution en reniant ces dispositions si importantes de notre Constitution que sont le principe de la proportionnalité, le respect des droits de l’homme, l’égalité de traitement, qui auraient mis en péril l’Etat de droit.

Enfin, je voudrais souligner l’engagement de Troxler en faveur de la liberté de la presse. Pour lui, «l’instruction mutuelle» était la base d’une pensée et d’une action libres. Oui, nous sommes aussi aujourd’hui très conscients qu’une presse libre est un pilier important de chaque démocratie. C’est pourquoi nous soutenons avec des fonds d’aide les instituts voués à la formation des journalistes dans les pays de l’ex-Union soviétique du Caucase et nous rejetons toute censure. Toutefois, nous devons également être conscients que la liberté de la presse n’est pas mise en danger uniquement par l’État. Elle peut l’être aussi si certaines pensées ne peuvent être librement exprimées, des pensées qui garantissent que l’équilibre absolu entre les opinions dans l’espace public soit respecté, ou si un boycott publicitaire est prononcé par certains milieux…

Troxler est une personnalité passionnante qui a joué un rôle décisif dans la construction de la Suisse en tant que nation voulue par l’ensemble de ses membres, et il vaut la peine de nous pencher sur son héritage politique en cette année de célébration. Ce que j’aime chez ce libéral, c’est qu’il n’a pas seulement analysé les dysfonctionnements du pays d’une manière précise et impitoyable, mais qu’il a également souligné les moyens possibles de les améliorer. Il fallait intégrer les minorités, de même que les perdants d’un conflit, qui ne peuvent pas être humiliés.

Une année commémorative importante pour la politique!